La pratique de la méditation ("mindfulness") rencontre un succès
croissant en entreprise, à l'exemple des sociétés high tech de la
Silicon Valley. S'asseoir en tailleur, le dos droit, sans penser à rien
permet-il seulement de gérer son stress ?
Fabrice Midal, qui publie
"Comment la philosophie peut nous sauver: 22 méditations décisives" (éd.
Flammarion), la pratique et l'enseigne depuis des décennies. Selon lui,
qui a fondé l'Ecole occidentale de méditation, loin d'être une simple
mode, la méditation, qui touche à l'essentiel de l'être humain, est une
réponse à l'évolution de nos sociétés modernes. Entretien.
Fabrice Midal : "Quand j'enseigne la
méditation en entreprise, je m'aperçois que les gens apprécient qu'on
leur parle de cette dimension de leur existence qu'est l'attention. Ils
n'ont pas besoin d'un nouvel outil, avoir de nouveaux outils est
d'ailleurs une obsession spécifique de nos sociétés. "
(Crédits : Nathalie Seroux/Flammarion)
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La Tribune - La pratique de la méditation est désormais enseignée dans les entreprises, et pas seulement dans celles de la Silicon Valley. Qui aurait pu prévoir cela?
C'est
devenu en effet un phénomène stupéfiant. Je me rappelle qu'après m'être
engagé dans la méditation, encore étudiant, il y a 25 ans, je n'osais
le dire à personne tant le phénomène était inconnu et semblait étrange.
Je n'aurais jamais imaginé à l'époque que je me retrouverais un jour à
parler de cette pratique dans des grandes sociétés comme Google ou
Orange... Et non seulement, elle a fait son entrée dans les
entreprises, mais aussi dans les hôpitaux où elle a montré sa capacité à
soigner les troubles anxiogènes et à soulager la douleur. Ses effets
ont fait l'objet d'explorations scientifiques. En outre, en particulier
dans les pays anglo-saxons, elle a été largement introduite dans les
écoles et l'ensemble du système éducatif avec des résultats là aussi
probants.
La Tribune - Quelles sont les raisons d'un tel succès ?
J'en
vois principalement trois. La première est que depuis dix ans, la
méditation fait l'objet, notamment du côté des neurosciences, de
recherches scientifiques rigoureuses et précises, qui mesurent
l'activité du cerveau durant la pratique. On comprend mieux ce qui se
passe et la manière dont cette discipline agit et nous permet de
transformer le cerveau. De plus, des enquêtes empiriques menées sur des
patients en grand nombre, sous la forme de tests réguliers, de
vérifications... montrent qu'elle a des effets thérapeutiques bénéfiques
et fiables. Ainsi, par exemple, elle évite la rechute de la dépression
dans 50% des cas, et réduit le recours systématique aux médicaments. La
méditation n'a donc plus rien à voir avec le discours pseudo-mystique
des adeptes du New Age.
Par ailleurs, elle est présentée
aujourd'hui de façon précise et rigoureuse, loin de tout folklore.
Quand je l'ai découverte, elle se pratiquait dans un cadre oriental,
majoritairement bouddhiste. Une nouvelle génération de pratiquants
occidentaux, notamment américains comme Jack Kornfield, John Kabat Zinn ou Sharon Salzberg,
l'ont démocratisée avec un rare talent. L'idée de pratiquer une
méditation occidentalisée sans aucune connotation religieuse participe à
cet engouement. Si aujourd'hui mon travail sur la méditation est
reconnu, c'est parce que je l'ai confronté à d'autres disciplines
occidentales depuis une quinzaine d'années. Ce qui m'importe c'est
d'éviter tout folklore et d'aller au cœur de la pratique, de montrer
comment s'y consacrer, comment elle peut réellement transformer nos
existences. Et pour ce faire, il faut être simple, concret et précis.
La Tribune - Et la troisième raison ?
Elle
est d'ordre plus philosophique. La pratique de la méditation dévoile
l'illusion d'une pseudo-rationalité qui s'impose partout dans nos
sociétés. Par exemple, il existe en médecine une tendance à traiter le
patient comme une pathologie en oubliant complètement de considérer la
personne. C'est lourd à vivre.
Pour les troubles de l'angoisse,
cette attitude où seul serait prescrit des médicaments sans aucun autre
accompagnement est inquiétante. Si la méditation entre aujourd'hui de
manière significative dans nombre d'hôpitaux et de cliniques
psychiatrique, c'est d'abord, je crois, par un refus de nombreux
psychiatres à ce tout chimique qui nie leur rôle.
Ce problème se
retrouve dans le fonctionnement des entreprises. Aujourd'hui, l'ouvrier,
ou l'employé, comme le manager affrontent, chacun à leur niveau, des
situations complexes pour lesquelles l'application d'un logique
gestionnaire reste insuffisante.
La méditation a ici trois
vertus. D'une part, elle nous permet de retrouver un rapport à l'ampleur
de la richesse du réel, à ne pas le réduire à quelques facteurs. Nous
avons peur de la complexité, or il nous faut
l'apprivoiser. Deuxièmement, la méditation nous apprend à retrouver un
rapport d'attention et de présence. Or nous ne savons plus faire
attention. Et il s'agit là d'un défi majeur à relever au cours des dix
prochaines années. Savez-vous qu'un adolescent américain envoie en
moyenne 100 SMS par heure de veille, ou encore que nous contrôlons nos
emails toutes les 7 minutes ? Notre attention est ainsi de plus en plus
fragmentée. Nous passons sans cesse d'une tâche à une autre.
Paradoxalement,
dans le même temps, nous savons être concentrés, capables d'être
totalement focalisés sur la réalisation d'une seule tâche : rédiger un
email, monter ce dossier... Or cela n'est pas tenable à long terme, car
l'efficacité d'une telle concentration se paie en retour par un niveau
de stress lié à un état de tension extrême. La méditation nous apprend
un état d'attention ouverte, qui loin d'épuiser nous ressource et nous
rend vraiment disponible. Non seulement donc nous avons perdu notre lien
à l'attention, mais nous ne savons plus qu'elle s'apprend.
Si
votre enfant renverse et casse un vase, vous lui dites : « Pourquoi tu
n'as pas fait attention ». L'enfant répond qu'il n'a pas fait exprès. Le
manque d'attention n'est donc pas quelque chose de conscient. Au
contraire, cela se travaille, en particulier à travers la méditation, où
l'on fait attention sans tomber dans la concentration. On devient
présent, disponible, à l'entièreté de la situation. De plus en plus de
gens réalisent aujourd'hui que sans cette modalité de l'attention, on va
droit dans le mur, individuellement et collectivement.
Ce n'est pas facile car, comme l'a vu la philosophe Simone Weil,
l'attention ne dépend pas d'un acte de la volonté mais d'une ouverture à
l'inconnu, qui n'a rien de commun avec un contrôle rationnel.
Ce
n'est pas un hasard si les entreprises qui rencontrent le succès,
notamment celles de la Silicon Valley, cherchent à remettre en cause
tous ces protocoles qui nuisent à leur innovation, à leur créativité et
leur inventivité. Il faut donc comprendre que la méditation ne se réduit
pas à la recherche de bien-être, son enjeu est bien plus radical, elle
touche à une dimension profonde de l'être humain, à nous aider à
retrouver un sens de liberté, de confiance et de capacité à prendre des
décisions plus justes.
La Tribune - Vous êtes d'ailleurs assez critique sur cette notion de bien-être dans la méditation ?
Oui,
parce que c'est trop étroit. La méditation ne donne pas un peu de
bien-être mais nous transforme profondément. S'y consacrer est en ce
sens un défi. C'est difficile mais libérateur. Je raconte dans Frappe le ciel, écoute le bruit, ce que 25 ans de méditation m'ont appris
(Les Arènes) comment personnellement elle m'a transformée. Elle ne m'a
pas appris à vivre dans le bien-être, mais à être un peu plus humain, un
peu plus courageux, un peu plus libre.
En réalité, on inverse
complètement le problème. Pour se sentir bien dans sa vie et dans le
monde, il faut que nous soyons dans une situation juste. Ce n'est pas en
cultivant le bien-être que nous allons y arriver, mais à oeuvrant
concrètement à changer les situations où nous vivons. Le discours sur le
bien-être est une démission.
Enfin, cette approche est bien trop
narcissique et égocentrique. Or la méditation à un rôle social majeur à
jouer. Si je m'y consacre et je l'enseigne, c'est pour rendre ce monde
un peu plus habitable.
Mais il faut aussi que j'ajoute ceci. Pour
surfer sur la mode, tout un discours en vogue veut en faire un simple
outil d'augmentation de la productivité et de la rentabilité. «Méditez,
vous serez plus efficace, plus zen, plus cool et efficace». C'est non
seulement niais mais surtout profondément dangereux car ce discours
simpliste et démagogique suggère qu'il faut être toujours plus productif
en dominant ses affects, ses émotions. Après notre force de travail, on
exigerait désormais la disponibilité de tout notre être à chaque
instant pour améliorer la rentabilité. La méditation ne consiste pas à
gérer son stress ou quoi que ce soit. D'abord le mot « gérer » est
révélateur de l'utilisation d'un vocabulaire économique hors de son
contexte. On gère son compte en banque ou son entreprise mais on ne gère
pas ses émotions, ou encore des êtres humains. Ne pas faire la
différence est à la source d'une incroyable violence qu'il faut dénoncer
et non encourager. Je déplore que nombre de personnes présentent la
méditation en entreprise dans cette perspective. Je le répète, cela ne
marche pas, cela n'est pas bénéfique et cela ne peux que décourager ceux
qui voudraient s'engager véritablement dans ce chemin
extraordinairement libérateur.
Car au fond, qu'est-ce que
méditer ? C'est prendre le risque inouï d'être ouvert sans condition à
l'inconnu du moment présent. C'est tout simple et très profond : je me
pose pour être vraiment disponible à ce qui est, sans préconceptions,
sans peurs. Or si je méditais pour maîtriser les choses, je défigurerais
à la racine la pratique de la méditation, qui a des effets profonds
parce que paradoxalement elle ne sert à rien. A force de vouloir tout
contrôler, on ne contrôle rien, et on défigure la vie. On perd toute
confiance.
Ce sont précisément les entreprises qui prennent des
risques, qui inventent d'autres attitudes, qui font confiance à la
dimension humaine de créativité, qui vont de l'avant et sont créatrices
de richesses.
La Tribune - Vous voulez dire que nous
nous fermons à de nouvelles possibilités en voulant nous assurer une
sécurité permanente...
Absolument, car si l'on n'innove
plus, on meurt. Et c'est la même logique pour l'individu. La dépression
est devenue la maladie sociale majeure des Occidentaux parce que le
stress, le « burn out » correspondent à une coupure profonde des êtres
humains de leur propre être. Ils n'ont plus l'espace pour être.
Méditer,
ce n'est pas tuer l'humanité en soi, notre propre vulnérabilité, pour
correspondre à un modèle abstrait de comportement, mais c'est au
contraire sauvegarder notre humanité, la libérer.
Au fond, la
méditation nous permet de réapprendre un sens de présence et
d'attention, qui nous ouvre à l'aventure et au risque — c'est-à-dire à
la vie.
La Tribune - Et c'est donc là que se situe la différence dont vous parliez entre attention et concentration ?
Oui.
Quand je suis concentré, par exemple quand je réponds à mes emails, je
ne pense à rien d'autre, je suis complètement focalisé sur ça, et dans
une telle situation je suis tendu. Au contraire, méditer, c'est être
présent corporellement, être attentif au contexte. Les enfants sont très
concentrés quand ils jouent aux jeux vidéos. En revanche, si on leur
demande de lire avec attention un texte, ils s'ennuient rapidement car
ce n'est pas immédiatement efficace. Or il faut leur apprendre la joie
de l'attention qui peut leur faire découvrir des choses qu'ils ne
connaissaient pas.
Quand j'enseigne la méditation en entreprise,
je m'aperçois que les gens apprécient qu'on leur parle de cette
dimension de leur existence. Ils n'ont pas besoin d'un nouvel outil,
avoir de nouveaux outils est d'ailleurs une obsession spécifique de nos
sociétés. Ce n'est pas d'outils dont on manque, mais de présence. La
méditation n'est pas un outil de plus, mais une façon de donner
naissance à un autre regard, une autre attitude.
C'est toute la
différence, par exemple dans un l'hôpital, entre l'infirmier qui
administre son médicament au malade, faisant ainsi consciencieusement et
efficacement sa tâche, et celui qui fait la même action en s'adressant à
lui comme à un être humain, un geste qui peut participer à son
rétablissement. On commence en effet à comprendre que cette qualité
d'attention change tout. C'est cela que les Anglo-Saxons nomment la « Mindfulness »
qu'on traduit de manière absurde en français par « pleine conscience »
(« consciouness). Or il ne s'agit pas d'être conscient des choses mais
d'être avec les choses. Quand je discute avec vous, je suis attentif à
ce que vous dites mais aussi à d'autres aspects de la situation comme la
façon dont vous êtes assis, le ton de votre voix... Je ne cherche pas à
avoir conscience de vous — ce qui serait au fond assez claustrophobique
et peu naturel — mais d'être avec vous et en rapport à ce qui nous
rassemble.
La Tribune - L'objet de votre dernier
livre, "Comment la philosophie peut nous sauver" (éd. Flammarion),
est de montrer que la tradition de la philosophie occidentale contient
déjà en elle, pour qui sait la lire, ce qui fait l'essence de la
méditation...
Oui, car la méditation nous garde dans
l'ouvert, dans un questionnement, une disponibilité, une curiosité. Or
il y a là quelque chose de commun avec la philosophie depuis son
commencement. Que fait Socrate ? Il vient sur la place publique, et dit
aux uns et aux autres vous croyez que vous savez tout, et bien on va
voir si c'est aussi solide que ça. Et il pose des questions.
Dans
les dialogues que nous avons de lui écrits par Platon, Socrate
n'affirme du coup rien de définitif. Il nous guide pas à pas jusqu'à ce
que nous abandonnions notre désir de comprendre, de nous en sortir. Il
nous laisse exténué... nous ne savons plus que faire. Le dialogue
s'achève sans résultat. Et pourtant tout a changé !
Et ce que
l'on tend à prendre pour un échec est en réalité l'espace même de la
philosophie. Une expérience qui libère — et qui nous sauve d'un certain
enfermement idéologique et doctrinaire.
Dans ce livre, je
n'aborde pas la pratique de la méditation que nous évoquons ici,
j'examine le sens même du questionnement philosophique qui me semble
trop dénaturé.
Notre société donne partout la parole à des
experts qui savent mais oublient la dimension du questionnement. Au
fond, le philosophe, lui, ne sait rien, il n'est pas un expert de plus.
Socrate les dénonçait d'ailleurs en son temps, il les appelait des
sophistes. Descartes critique également la rhétorique des experts de son
époque, qui étaient les théologiens — les maîtres de la « scolastique »
-- et Emmanuel Kant dit vouloir se réveiller du « sommeil dogmatique »
où il est enfermé. L'histoire de la philosophie est parcourue par un
courant qui vise à se libérer d'un savoir qui s'impose partout mais
n'est au fond pas assuré.
Or trop souvent la philosophie apparaît
comme une discipline ultra-intellectuelle, coupée de l'expérience. J'ai
écris ce livre pour revenir à l'expérience dont chaque philosophe
parle. Je crois que notre monde à besoin de la philosophie, parce
qu'elle a besoin de sortir des idées toutes faites.
La Tribune - Vous dénoncez en ce sens le culte actuel des experts ?
Oui,
en ce qu'il est irrationnel ! Les rois au XVIe siècle demandaient aux
astrologues ce qu'ils devaient faire, aujourd'hui, nos gouvernements le
demandent aux experts. Or leurs prévisions sont systématiquement
démenties par la suite. Personne n'avait prévu les attentats du 7
janvier dernier ou encore la crise financière des subprimes. Il y a un
élément de complexité du réel que l'on refuse de prendre en compte. Il
faudrait que tout soit prévu, au contraire c'est en ayant un rapport à
la complexité du réel qu'on répond rationnellement à la situation.
La Tribune - C'est le fameux Cygne noir, qui symbolise l'imprévisible...
C'est le Cygne noir
(ouvrage de Nassim Nicolas Taieb, best-seller international, paru en
français aux éditions les Belles Lettres, NDE) ou encore le travail
pionnier et lumineux du Nobel d'économie Daniel Kahneman, qui montrent combien nos sociétés refusent d'admettre l'imprévisible, l'événement qui bouleverse tout.
C'est
étrange mais aujourd'hui au nom d'une prétendue exigence de
rationalité, on confond une loi statistique avec une loi scientifique.
Mais la loi de la chute des corps n'est pas une loi statistique. Et ce
que nous devrions interroger dans des statistiques, c'est ce qui y
échappe.
La Tribune - L'éthique d'Aristote que vous évoquez va dans le même sens...
Oui,
c'est un point clé du livre. L'être humain est hanté par la question
éthique. Pour tout être humain, prendre une décision, faire quoi que ce
soit, dire une parole, engage. Cette exigence qui est le cœur de toute
éthique est cependant le plus souvent escamotée.
Notre rapport à
l'éthique est même aujourd'hui tout de travers. Il est à la mode de
parler d'éthique, mais il s'agit d'une éthique normative, à l'exemple de
notre Comité d'éthique qui
fournit des règles et des recommandations sur ce que l'on doit faire et
ne pas faire. Pour nous, l'éthique se réduit ainsi à dire puis à faire
ce qui est permis et ce qui, au contraire, ne le serait pas. Si nous en
reconnaissons la nécessité, nous ne la prenons pas au sérieux.
L'immoralité nous semble plus en prise avec la réalité et donc souvent
plus pragmatique et désirable. Nous avons ainsi perdu de vue la
dimension éthique originaire que les philosophes ont su penser et que je
crois indispensable de retrouver — et qui est tout aussi loin de la
moralité que de l'immoralité.
L'éthique, nous dit Aristote, ne consiste nullement à déterminer ce que j'ai ou non le droit de faire, mais à découvrir une juste façon d'être.
En ce sens, elle nous engage à agir de la manière la plus juste et
authentique possible — ce qui se décide à neuf à chaque fois.
J'y
insiste. L'éthique ne repose pas, comme nous le croyons à tort, sur une
décision bonne ou mauvaise, mais sur la tension entre un trop et un
trop peu. Il n'y a pas de science de l'éthique, seulement un art de
l'éthique. Si on prend une situation dramatique, comme par exemple celle
de vivre à l'époque du nazisme, personne n'a refusé l'ignominie par une
décision scientifique. Comme le précise Aristote, l'éducation c'est de
savoir quand il est nécessaire d'avoir des preuves — c'est le domaine
scientifique — et là où cela n'est pas possible. Le domaine éthique.
Notre
difficulté est de penser comment faire. Ici aussi Aristote est
éclairant : il s'agit d'un juste milieu — c'est ni trop, ni pas assez,
ni la lâcheté, ni la témérité. Or ce juste milieu, acmé de la justesse,
est toujours à reprendre. Et on est d'autant plus éthique qu'on n'est
pas sûr de l'être. Les salauds, eux, sont toujours convaincus d'avoir
raison et ne regrette jamais rien. Regardez Eichmann, qui se sent dans son bon droit puisqu'il a obéi aux ordres.
Dans un univers économique perpétuellement changeant, le dirigeant
d'entreprise comme le citoyen doit s'ajuster en permanence. Et
s'ajuster, c'est proprement apprendre à être juste — voilà l'éthique.
Et elle s'apprend !
La Tribune - Il s'agit, comme dans la méditation, d'être ouvert ?
Oui,
la méditation, en nous mettant en rapport avec notre propre être et en
nous disposant à être au monde, nous permet d'apprendre cet art — qu'est
l'éthique.
La Tribune - Descartes a d'ailleurs
écrit lui même des « Méditations métaphysiques », on ne fait pas
toujours le rapprochement avec la méditation d'origine orientale mais
c'est pourtant le même mot...
Ce n'est pas un hasard.
Méditation a pour racine « med » que l'on retrouve dans médecin et qui
veut dire prendre soin. Méditer c'est être avec quelque chose, s'ouvrir à
quelque chose. Je ne dis pas évidemment que la méditation de présence attentive
(Mindfulness) est la même chose que la méditation chez Descartes. Mais
il y a le souci commun de faire une expérience plutôt que d'être dans
une pure conceptualisation abstraite. Or on ne s'ouvre au monde qu'en
faisant une expérience. Au fond, les méditations de Descartes, son
Cogito (« Je pense, donc je suis »), offrent une expérience inouïe sur
que veut dire : être un être humain. C'est là le génie de Descartes. Je
ne suis ouvert à quoi que ce soit qu'en étant présent au fait que je
sois.
Je propose d'ailleurs dans le livre 22 méditations qui sont autant de manière de faire une expérience réellement philosophique.
La
Tribune - Bien loin d'une réflexion sur le bien-être ou l'hédonisme,
vous rappelez que la philosophie est une méditation sur la souffrance ?
Oui,
elle est méditation de la souffrance, mais aussi de l'injustice, en
réalité de tout ce qui menace partout la dignité de l'être humain ou,
pour le dire philosophiquement, l'être même de l'être humain.
Aujourd'hui, la philosophie est pour une majorité de gens un élément
culturel, permettant d'avoir un vernis mondain. Connaître un peu de
philosophie, cela fait chic. Quand à la méditation, c'est perçu comme un
exercice égocentrique pour bobos permettant de trouver son confortable
petit bonheur.
C'est monstrueux d'en arriver là car la
philosophie est une interrogation radicale et profonde sur ce qui est
inhumain dans notre monde. Socrate fut mis à mort par les Athéniens.
Aristote ne dut son salut qu'à sa fuite hors d'Athènes. Spinoza fut
exclu de la Synagogue et la légende raconte qu'il échappa de peu au
meurtre. Descartes, pour fuir les théologiens de la Sorbonne, se réfugia
en Hollande alors plus libérale que la France où l'on brûlait encore
ceux qui remettaient en cause le pouvoir de l'Eglise. Le philosophe
n'est pas l'homme qui vient faire le singe à la télévision mais celui
qui pose des questions décisives sur ce que personne ne veut plus
regarder, sur ce qui menace aujourd'hui notre humanité.
Fabrice Midal "Comment la philosophie peut nous sauver : 22 méditations décisives", éditions Flammarion, 304 pages, 19 euros.
L'Ecole occidentale de méditation
Praticienne de Santé Naturopathe - Nutrition - Réflexologie plantaire - ateliers autour de l'enfant
La santé autrement grâce à des techniques naturelles
La naturopathie, fondée sur le principe de l'énergie vitale de l'organisme, vise à préserver et optimiser la santé globale de l'individu, sa qualité de vie, ainsi qu'à permettre à l'organisme de s'auto-régénerer par des moyens naturels (aliments, eau, air, terre, exercices, relaxation, soleil, argile...)